LIVRE DE CHAM

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Le Corpus de la Naissance 

Je suis le un un un un

Gbé Mèdji 

Vie et mort, pour qu’on évite la maladie.

Mort et vie, pour qu’on évite la déchéance.

Vénérez la Vie. Adorez la Mort. 

Quand Orunmila enseignait ces choses,

L’éléphant était plus petit que l’oiseau, 

Les voies du Bien et du Mal étaient déjà mêlées,

Olokun remuait déjà les vents.

Le Babalawo s’inclinait déjà devant le Fa,

La nature était déjà si immense qu’elle était bonheur et malheur.

Gbé Mèdji vint et dire:

«Edjiogbé, j’ouvre une cinquième voie.

Comme moi, d’autres viendront.

Où qu’ils soient, ils m’entendent.

Cet événement a une cause.

Le duel qu’il provoque date d’aujourd’hui.

Ce qui s’efface date d’hier.

Demain n’est que prévention.

Le sort ne connait ni jour ni nuit.

Le Ciel ne connait ni maître ni esclave.

Si ceux-ci se méprennent,

C’est qu’ils méconnaissent ces choses. »

Gbé Yèkou

Ceci découle de Cela mais, celui qui connaît Ceci ne maîtrise pas Cela.

De même, celui qui connait Cela ne maîtrise pas Ceci.

Ne confondez pas ces Choses.

Le Dieu Oro ne savait pas entretenir son honneur.

Il mangeait partout et n’importe comment.

Il était le plus gourmand des dieux.

Repu de pâtes et de vin, il s’abandonnait aux yeux moqueurs des femmes et

des enfants.

Son Atchè ne s’assimilait pas.

Personne n’avait peur de lui.

Les feux de brousse ravageaient ses vêtements.

Au milieu des Irumonlè, Oro essuyait affront et déshonneur.

Etres humains et Dieux considèrent sa venue sur la terre comme une

erreur du Ciel.

Gbé-Yèkou dit à Oro :

« Le premier sera le dernier.

Le dernier sera le premier.

Le valet sera le roi.

L'esclave sera le maître. »

Oro rassemble coqs, béliers et branchages fins, prépare pâtes et sauces.

Oro s’emplit l’estomac jusqu'à la gorge et invite tout le monde au festin.

Il est méconnaissable.

Il a grossi comme un monstre.

Sa voix, c’était un ouragan.

Il parlait comme le vent.

Tout Egba le méconnu.

Les femmes et les enfants ne pouvaient plus l’approcher.

Les hommes assoiffés et affamés restèrent auprès de lui.

Ils résistèrent à la voix caverneuse du Grand Odou.

Ils ont bu et mangé à satiété.

En signe de gratitude, ils reconstruisirent le couvent du dieu.

Et Oro repris sa place au milieu des dieux.

Gbé Woli

Salut à toi trompeur.

Salut à toi menteur.

Salut à toi voleur.

Le Ciel se vide de ses traîtres.

Il ne peut en être autrement quand Oju consulte Odou.

Gbé-Woli lui dit:

« Attention aux boissons.

Attention aux volailles.

Attention aux chèvres.

Que le mensonge quitte la Toile.

Que le mensonge quitte le Signe.

Que le mensonge quitte la pensée.

Que la convoitise te quitte Oju.»


Gbé Di

Les canards luisent leurs plumes.

A leur manière, ils se préparent au sacrifice.

Ces noms ont consulté pour Gbé-Di.

Le royaume des fous venait de perdre son roi.

Gbé-Di était tout indiqué pour le remplacer.

Il règnera, disent les uns.

Il ne règnera pas, disent les autres.

Pour et contre, les courtisans s'empressent de soutenir le présumé roi.

Gbé-Di les surprend tous.

Il s'oppose à la tradition.

Il rejette soutiens et courtoisies.

Il n'aime pas les protocoles.

Il est vieux et il a peur de la mort.

Gbé-Di ne veut pas mourir au nom des fous.

Il veut être le Père des Vieux.

Il devient Baba Arugbo.

Un jour, ses pairs le prennent à part.

Ils veulent connaître le secret de la longévité.

Gbé-Di répond aux vieux fous:

« Le refus nous sauve des mains de la mort.

Tout refus trompe la mort.

Il lui enlève l'envie de nous faucher la vie.

Mais la longévité ne rime pas avec la folie.

Nous sommes des fous.

Nous ne pouvons pas espérer la longévité, ni pour nous ni pour les autres. »


Gbé Losso

Les instruments aratoires s’utilisent sur la terre.

Ils s’utilisent pour produire vivres et verdures.

Le Ciel ne mange pas.

Le Ciel ne boit pas.

Que viendra-t-il chercher sur la terre ?

Malgré les supplications, le Ciel ne descend pas sur la terre.

Orunmila affirme que le Ciel ne descendra pas sur la terre.

Cette révélation souleva des émeutes.

Les ennemis du Ciel sont nombreux.

Les oiseaux lui en veulent.

La tête veut le soulever.

Les arbres veulent l'écorcher.

Même les flèches du chasseur veulent le toucher.

Ô Ciel, qu'as-tu fait pour mériter des intentions guerrières et tant

d’imaginations meurtrières?

Gbé-Losso dit au Ciel:

« Ce qui est réellement grand ne se mesure pas.

Rien n’est assez grand pour mesurer sa grandeur. »


Gbé Winlin 

Quand Ifè se cherchait un Guide,

Orunmila lui proposa tous les Orisha mais omit le Fa.

Ifè est un Initié. Il s’étonna de l’oubli et dit :

« Orunmila, n’offenses-tu pas ton Ami ?

Loin de le mettre au premier rang, tu l’ignores dans tes évocations. »

Orunmila prend Gbé-Winlin à témoin et répond :

« Tends la main et prends.

Je te donne ceci sans contenant.

Que ta main lui serve de contenant

Comme Gbé-Winlin sert de contenant aux dons du Ciel.

Mon Ami est un contenu que rien ne contient, pas même un royaume.

Personne ne sait ce qui réjouit cet enfant du Devin Awo.

Ne mettons pas la corde à côté de cet oiseau du Mystère.

Nul n’a encore trouvé les pierres qu’il faut pour lui construire une

demeure.

Egibiti n'a pas pu apprivoiser le fils de Kousso.

Personne ne peut donc plus le faire.

Le Fa est un danseur dont personne ne peut imiter les pas de danse.

Il est le mystère que rien ne peut expliquer. »

Gbé – Abla

Aujourd’hui nous partons.

Demain nous partirons encore.

Nous ne cesserons pas de partir.

Ces noms ont consulté pour Orunmila.

Gbé Abla lui dit :

« Ne laisse pas ta couronne au renégat.

Jusqu'à ton retour ne laisse pas ta couronne à l'orgueilleux. »

Tout le monde se prosterne devant Orunmila.

Olowo refuse de se prosterner devant son Père.

Olowo a pris part au secret.

Il s'habille comme Orunmila.

Comme lui, il a de nombreux serviteurs.

Cela suffit à la croyance : le fils grandit plus vite que son père.

Olowo oppose son orgueil à l’humilité de tous.

Admirateurs, serviteurs et disciples s'en indignent.

Orunmila leur dit:

« Je n'ai pas laissé mon nom à ce fils.

A vous, je le laisse.

Je m'appelle Agbonmirègoun.

Grâce à ce nom, vous ouvrirez les Portes du Ciel.

Quant à mon fils, il ne connaîtra pas le Ciel.

Les yeux de mon fils Olowo ne verront jamais Odou Nla. »


Gbé – Aklan

Au commencement était Ikin 

Ikin était la noix de palme.

Ikin était la Connaissance.

Gbé – Aklan conteste cette symétrie.

Le devin Poutouro dit au roi Obba :

« Roi, fais tes sacrifices.

Ce sont les sacrifices qui sauvent.

Celui qui ne fait pas ses sacrifices meurt.

Il meurt de la mort qu’il se donne.»

Le roi a traité Agamrara de menteur.

Il a manqué de respect au Ciel.

Au bout de sept jours, son règne s'interrompit.

Le roi a la terre.

Le Ciel a le roi.

La reine avait critiqué l’imprudence de son mari.

Elle lui avait reproché sa désobéissance.

Elle tomba enceinte dans le dénuement.

Poutouro, à nouveau consulté, énonce dans Gbé Aklan :

«Vénérable reine, fais tes sacrifices.

Ce sont les sacrifices qui sauvent.

Celui qui ne fait pas ses sacrifices meurt.

Il meurt de la mort qu’il se donne.»

La Reine, à son tour, désobéit.

Elle perd vie et enfant.

Le devin dit :

« Accusons Gbé – Aklan.

Sceptique, il avait aussi désobéit à son père. »


Gbé-Guda

La houe est le cultivateur.

Le cultivateur est la houe.

Celui qui s'aime, se réveille avec son instrument de travail.

Aujourd'hui n'est pas hier.

Demain ne sera pas aujourd'hui.

Le Babalawo consulte tous les jours.

Les affamés font de vils secrets.

La faim étant leur instrument de travail.

Orunmila a dit :

« Quand Gbé - Guda se lève, il se lève ici et maintenant.

Il se lève partout.

Il se lève sur toutes les maisons.

Gbé - Guda s’est bien réveillé aujourd'hui.

Il couvre le monde de bonheur.

A celui qui sait comprendre, il tend sa main charitable. »


Gbé-Sa

Leurs rêves les avalent.

Les voici au bord de l’océan.

Ils voient l’immensité tremblante.

Nos lamentations font trembler l’eau, pensent-ils.

Voilà qu’une main invisible les tient asservis.

Ils appellent Olodumaré.

Celui qui délivre.

Ces noms ont consulté pour un supplicié du Ciel.

Gbé-Sa lui dit:

« Olodumaré est le Ciel.

Le Ciel est Olodumaré.

Celui qui comprend Ceci, ne comprend pas Cela.

Fais tes sacrifices pour être le premier à comprendre ces choses.

Celui qu’hier a vu l’eau ne sait pas si demain l’océan apparaitra à la place

de qu’il a vu. »


Gbé-Ka

Le ventre du sage digère le mal comme le bien.

Tout est bonheur, dira-t-il.

Ce secret ne tue personne.

Ces trois noms ont consulté pour Obbatala.

Celui qu’on appela Romilada.

Le puissant Orisha d’hier et d’aujourd’hui.

Il perdit champs, bêtes domestiques et greniers dans un incendie.

Gbé-Ka lui dit:

« Bienheureux Orisha, ton bonheur rayonne encore. Il rayonnera tous les

jours. »

Obbatala fit ses sacrifices.

Un jour, il eut envie d'agrandir ses domaines.

Il se rend au marché des esclaves. .

Un esclave beau et fort a attiré son attention.

Il l’achète au prix comptant.

Sur le chemin du retour, il fut surpris.

Son esclave se transforma et devint laid et bossu.

Confuse et sans rien dire, il rentre à la maison.

Il donne à boire et à manger à son esclave.

Il loge son esclave dans une case spacieuse et propre.

Le lendemain une autre surprise l’attend.

Le bossu disparut sous un grand tas de cauris, de perles et d’or.

L’esclave se transforma en un trésor dont Obbatala jouit encore

aujourd’hui.

Gbé-Trukpin

La vie change de demeure, tout est bien.

La vie a l'œil à la porte, tout est bien.

Masha môn a vu ses noms chez Orunmila.

Il fit un sacrifice de seize pigeons devant Oduduwa.

Alors les hommes se mirent à épouser les femmes.

Quand un homme voit une femme, il change de peau.

Il court partout et marie la femme.

Quand une femme voit un homme, elle change de coiffure.

Elle implore le ciel et emporte l'homme dans son sommeil.

L'homme poursuit les rêves de la femme et la marie.

La terre ne comprenait pas ce renouveau.

Ce nouvel élan des humains a étonné la terre.

Gbé- Trukpin lui dit: « Il y a des dieux qui te cachent leurs noms. »


Gbé-Tula

La faim est une profane, elle n'arrive pas au couvent.

Ce nom les accompagne.

Jusqu’au bord du marigot, ce nom les accompagne.

Gbé-Tula leur dit :

« Orunmila est le dieu des couronnes blanches.

Il est la Lumière de Kanankan Oduduwa.

Il met son protégé à l'abri des regards et lui dit :

‘’Je ne veux pas ton sang mais ta vie.

Je ne veux pas ta vie mais ton sacrifice.’’

Quand il ne comprend pas, il lui dit encore :

‘’La terre est ta natte.

Couche-toi là-dessus et dors.

C'est moi qui t'envoie.

Le père envoie son fils où il veut et quand il veut.

Partout, il l'envoie.

C'est moi qui t'envoie.

Sers-toi en mon nom.’’ »


Gbé-Lètè

Le pouvoir qu'on reçoit de soi n'est jamais satisfaisant.

Celui qu'on reçoit des autres est toujours extraordinaire.

Le pouvoir ne comble pas l'âme.

Ces noms ont consulté pour le roi Lètègbémi.

Gbé-Lètè lui dit:

« Ton pouvoir t'obtient tout.

Débout, tu manges.

Couché, tu manges.

Tu réprimes toute désobéissance.

Tu rends la justice.

Tes sous-ordres corrigent les renégats.

Mais resté seul, tu affrontes des vents.

Le jour où tu as eu le pouvoir, tu as perdu quelque chose.

Seul, tous les jours, tu recherches ce que tu as perdu. »


Gbé-Tchè

Qui chasse son prochain s’envoute.

N’enviez pas Oshoukpa Olomon Wèwè.

Le calme de la lune lui offre des enfants.

Celui qui brûle tout ne peut pas avoir autant de splendeur et de richesses.

Il va se plaindre chez son dieu.

Le devin Gbé-Tchè lui conte l’histoire.

« Pour n’avoir qu’un seul enfant, Aribigbé envie Oshoukpa.

Elle veut avoir plus d'enfants que la mère des étoiles.

Aribigbé ne sait que pleurer et se lamenter.

Quand son enfant pleure, elle se lamente et verse des larmes.

Pour les caprices de son unique enfant, elle se lamente et pleure.

Si un seul l'accable si tant, que lui feront dix autres.

Dame n'envie pas la lune.

Contente-toi de ta beauté et oublie les étoiles.

Oshoukpa aime les enfants.

Et le Ciel lui donne des enfants.

Le Ciel donne des enfants à celui qui les aime. »


Gbé-Fu

L'océan reçoit toutes les grâces.

La grâce de toutes les eaux se trouve dans la mer.

C'est pourquoi il y a le vent.

Le vent distribue les biens de l'océan.

C'est pourquoi tout est vent.

Ces noms ont consulté pour Gbé-Fu.

Le matin, des cris de joie intronisent Gbé-Fu.

Le soir, des cris de détresse le chassent de son palais.

Le nouveau roi ne sait pas rendre justice.

Il ne rendait ses jugements que par une parole.

De sa voix houleuse il disait:

« Tout est en vous, vous êtes capable de tout. »

Après, il sonne une clochette et renvoie les plaignants.

Le peuple se soulève contre son jeune roi.

Les sages du pays d'Egba consultent Orunmila.

Okpèlè n'arrive pas à faire comprendre la voix du vent.

Orunmila leur dit :

« Gbé-Fu a reçu la puissance de l'océan en partage.

Il comprend la voix du vent.

Et le vent connait sa voix et lui obéit.

Ne le dérangez plus pour vos procès. »